[TEST] Chibi Robo

Des jeux GameCube, il faut bien reconnaître qu'il n'en sort plus beaucoup ces temps-ci. Alors quand l'un d'eux se décide à franchir les portes de l'Europe, on prie très fort pour qu'il soit bon. Dans le cas de Chibi-Robo, on avait pourtant de quoi être sceptique puisque le concept est aussi obscur que déroutant, et sans aucune commune mesure avec un autre titre existant. Tant mieux, car c'est justement ce genre d'exclusivités atypiques que l'on recherche sur cette console !

Le scénariste de Chibi-Robo doit être une personne vraiment fascinante. Résident quelque part sur l'archipel nippon, son nom même ne nous intéresse pas plus que ça. Ce qui compte finalement, c'est le parcours de cet homme qui, un jour, a donné vie à ce personnage incroyable nommé Chibi-Robo. La réalité étant hélas souvent moins palpitante que la fiction, ne cherchons pas à savoir quels éléments véritables ont conduit ce créateur de génie à mener à bien l'aboutissement de ce projet, mais laissons-nous plutôt aller à des spéculations complètement fantaisistes. Imaginons un homme bercé dans son enfance par les récits de science-fiction d'auteurs tels que Cliford D. Simak ou Ray Bradbury. Tourmenté par des questions existentielles relatives au sens de la vie et sensibilisé par la relation entre l'homme et la machine, il grandit avec la conviction que nous ne voyons que la couche superficielle des choses. Mais n'oublions pas que notre homme, étant d'origine japonaise, a hérité d'une culture différente de la nôtre, ce qui l'amène sur un cheminement de pensée que nous ne saurions suivre avec assurance. Devenu adulte, cet être anonyme se laisse aller à faire un brassage improbable de tout ce qui a réussi à se loger dans son imaginaire au cours de son existence, pour produire l'un des jeux vidéo les plus atypiques de ces dernières années. Si vous ne me croyez pas, laissez-moi vous expliquer plus en détail ce qui vous attend dans cet étrange Chibi-Robo.



Nous sommes chez les Sanderson, une famille peu fortunée qui s'efforce de vivre dans l'illusion du bonheur malgré une existence peu enviable. La particularité de cette famille est qu'elle n'est pas seulement constituée de ses trois membres les plus évidents, mais qu'elle englobe également toute une ribambelle de personnages inanimés qui prennent vie à l'insu des Sanderson. Mais nous allons voir ça un tout petit peu plus loin. L'histoire débute le jour de l'anniversaire de Jenny, une petite fille pas très éveillée qui se promène toujours coiffée d'une cagoule-grenouille et qui ne s'exprime qu'en formulant des sons inintelligibles. Ayant toujours un oeil anxieux sur le budget familial, la maman de Jenny a opté pour un cadeau peu coûteux à offrir à sa fille pour ses huit ans, à l'inverse du papa de Jenny qui, lui, n'a pas hésité à sacrifier ses économies pour mettre la main sur l'objet le plus incroyable que l'on puisse offrir à une petite fille le jour de son anniversaire. Emergeant d'un gigantesque carton contenant une sorte de vaisseau spatial ressemblant à une cocotte-minute, un minuscule robot fait alors ses premiers pas sur la table de la cuisine et escalade le vase le plus proche pour venir offrir une rose à la petite. Bouleversés et émus jusqu'aux larmes, les membres de la famille Sanderson commencent à croire que leur bonheur factice va peut-être enfin devenir réel.



Conçu dans le seul et unique but d'apporter la joie au sein du foyer, Chibi-Robo va désormais tout faire pour mener à bien cette mission en faisant passer le bonheur des Sanderson avant tout le reste. Peu importe s'il doit pour cela ramper sous les tables pour nettoyer les taches, se mettre à genoux dans la poussière pour effacer les traces de pas ou encore risquer de fondre un boulon en allant ramasser un papier de bonbon difficile d'accès. La seule chose qui compte pour lui, c'est de rendre service et de prendre le plus d'initiatives possibles pour accomplir les basses besognes et les travaux ingrats. Fonctionnant avec une batterie limitée en autonomie, Chibi-Robo doit cependant veiller à ne pas tomber en panne en allant régulièrement s'alimenter en énergie. On le voit alors se hisser sur les prises murales pour se recharger avant de sauter afin de retirer la prise qu'il traîne ensuite derrière lui mais qu'il peut aussi soulever à bout de bras. Sa démarche amusante et sa fragilité le rendent immédiatement attachant, et c'est ainsi qu'il va peu à peu nouer des liens avec les personnages inanimés qui résident dans la maison des Sanderson.



Si les trois principaux membres de la famille ignorent tout de l'existence de ces êtres mystérieux, ce n'est pas le cas du chien Tao qui a de sérieux soupçons sur ce qui se trame la nuit dans la maison. A l'instar de ce qu'on voit dans Toy Story par exemple, les objets et les jouets prennent vie à l'insu des humains, menant leur propre existence faite d'épreuves et de rencontres. Tous ne sont pas forcément amicaux avec Chibi, mais les plus sympathiques lui donneront des tuyaux pour évoluer plus facilement au sein de la maison. En vrac, le brave robot aura affaire à des personnages tous plus insolites les uns que les autres : un super-héros ridicule échappé d'une série télé, un vieux pirate en bois qui en connaît long sur l'histoire de la famille, un jouet pour chien qui écrit ses confessions dans son journal intime, et même une poule difforme aux yeux en forme de trous noirs qui se prend pour une voyante. C'est d'ailleurs en discutant avec ces différents personnages que ces derniers vont finir par se livrer à vous. Vous découvrirez ainsi au compte-gouttes ce qui s'est passé il y a quelques années dans cette maison. Vous apprendrez de quoi est fait le passé des membres de la famille Sanderson, et vous saurez quel fut le sort des robots qui vous ont précédés. Bien sûr, il n'y a évidemment jamais rien de tragique là-dessous, car les sujets traités sont toujours très naïfs et prêtent plus à sourire qu'à pleurer.



L'humour est d'ailleurs omniprésent dans le jeu et se ressent aussi bien au niveau du design que dans les dialogues. Jouant en quelque sorte le rôle du mentor de Chibi, le petit poste parlant qui lui tourne constamment autour amuse par sa lâcheté démesurée. Cette boîte de sardines volante, comme l'appellent certains personnages du jeu, se prénomme Telly Vision et se laisse souvent aller à des débordements d'émotion. Et tandis que le pauvre Chibi se fait un devoir de nettoyer les mares de larmes et les morceaux de cotillons, on est presque surpris de voir ensuite Telly s'excuser timidement pour s'être emporté sans réfléchir. Voilà exactement le genre d'humour qu'on trouve tout au long du jeu et qui donne envie d'avancer. La Chibi-Station, cette cocotte-minute qui sert de base à Chibi, n'est pas sans rappeler le vaisseau du capitaine Olimar puisqu'on y retourne automatiquement à chaque fin de journée pour voir les progrès accomplis. Et même si l'aventure se déroule sous forme de journées durant lesquelles on est libre d'évoluer à sa guise, il n'y a pas pour autant de contrainte de temps puisqu'on peut accomplir les différents objectifs à son rythme.



La Chibi-Station est également l'endroit où vous pourrez optimiser les capacités de votre robot en lui rajoutant de nouvelles fonctions moyennant une certaine somme d'argent, ou en recyclant de la ferraille pour fabriquer des Utilibots. Après quelques heures de jeu, Chibi sera en effet amené à lutter contre les Arachnoz, de véritables prédateurs pour les robots domestiques qu'il pourra détruire à l'aide de son blaster. Comme ces bestioles hargneuses sont faites de pièces métalliques, vous pourrez récupérer toute cette ferraille pour la recycler afin de former de nouveaux objets utiles, comme des échelles, des ponts ou des portails de téléportation. Il est d'ailleurs assez amusant de voir que le recyclotron vous recrache l'objet obtenu dans une capsule, ce qui renvoie directement aux Gashapons qu'on trouve au Japon et qui renferment toutes sortes de figurines. En plus de tout ça, vous devrez arpenter les pièces de la maison pour mettre la main sur des objets utiles. Une simple brosse à dents peut ainsi constituer un parfait outil pour récurer les sols tandis qu'un mug est un bouclier idéal pour se déplacer discrètement. Dans le même ordre d'idées, Chibi aura la possibilité d'enfiler des costumes étonnants, parfois totalement inutiles, parfois lui conférant certaines capacités. A partir de là, c'est à vous de deviner comment utiliser toutes ces choses pour poursuivre chaque fois plus loin votre exploration de la maison, sachant que vous devrez en parallèle veiller constamment à l'entretien des lieux.



Il me reste à peu près 500 caractères pour vous dire que, même si Chibi-Robo est un titre attachant et amusant à bien des égards, il n'en souffre pas moins de quelques petits défauts. Certes, le gameplay convainc pour la grande liberté d'action qu'il nous offre et pour sa progression qui alterne habilement entre plate-forme et réflexion. Mais à l'inverse, on peut être rebuté par le fait que toutes les actions soient scriptées. Mettons que vous devez tirer sur un objet pour le faire tomber, vous aurez beau vous y prendre comme il faut, vous ne pourrez pas y arriver tant qu'une scène vous disant de faire cette action ne se sera pas déclenchée. De plus, il faut réussir à passer outre un rythme de progression vraiment très très lent pour apprécier le déroulement du jeu, son originalité et son humour. L'impossibilité d'accélérer le défilement des textes qui s'affichent souvent lettre par lettre, rend les très nombreuses cut-scenes fastidieuses, nous agaçant alors qu'elles sont justement censées nous distraire. Ces raisons, qui peuvent peut-être vous sembler dérisoires, suffisent à gâcher considérablement la découverte de ce titre et rebuteront immanquablement les joueurs les moins patients. C'est dommage, car Chibi-Robo est au demeurant un jeu franchement intéressant qui mérite vraiment d'être découvert.

Note de jeuxvideo.com : 14/20

Testé par Romendil de www.jeuxvideo.com

Ce jeu a l'air pas mal